vendredi 27 décembre 2013

L'éphémère

Peter Falk et Gena Rowlands


Voyant alors
Que la folie ne peut
S'effacer du visage humain,
Si ce n'est
Jusqu'au plus petit
Des pores
Des chairs
D'une peau,
Le minuscule étant balancé de par la vie
Ou bien considéré
Hors-champs,
Il suffit alors
D'être.
Poser un baiser tendre sur la joue ronde
Et penser seulement
La vie n'est qu'éphémère.

Les mains frêles

Photographie de Rimel Neffati


Pour vivre
Tu te serviras de tes mains.
Tu penseras à tous ces anges
Qui t'ont aidé hier matin
Dans l'épuisement de ton savoir.
Ne crie pas.
C'est ici ta simple façon de vivre.

dimanche 22 décembre 2013

Ce sera suffisant

Dessin de Frédéric Noël

Le jour 
ne s'est plus 
levé

Ils ont laissé
les lampadaires
allumés

Les chiens errants
se sont mis
à pisser
sur la lune

Le Temps
est devenu une route
pleine de ronds-points

Les gens ne savaient plus
s'ils marchaient sur du goudron chaud
ou sur leurs rêves

Dès le début
ça sentait la fin

Les oiseaux
ont cherché
à s'enfoncer
tout au fond du ciel

Un homme a dit
Il faudrait une bonne
serpillière
pleine
de
sang

Un homme a dit
On pourrait sacrifier
la lumière

Danser
et manger
du tungstène

Un homme a dit
Dieu
est une
phalène

Les enfants
se sont réfugiés
à l'intérieur de leurs poings

Les chats
se sont mis
à brûler tout seuls

Les arbres ont gémi
et les pierres ont poussé
comme des fleurs

Mais la vieille
n'avait pas peur

Elle continuait
à tenir la main
de l'enfant

Elle continuait
à se tenir debout
sur le gris

Elle disait
s'il reste une femme et une rivière

Ce sera suffisant

Thomas Vinau


mercredi 18 décembre 2013

Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino


Une claque cinématographique, 
en plein dans la tronche des anges

L'être et la matière

Photographie de Nastya Kaletkina



Nous ne sommes constitués que de chairs et d'os
De frayeurs et de songes
Et d’insipides couleurs
Qui valsent autour du monde
Et nos doigts
Et nos ongles
Et nos peaux
Et nos bouches
N'ont nulle connaissance que la chaleur d’antan
Là où les arbres prenaient racine
Là où le ciel rongeait l'humide
Là où prenait naissance
Seulement le grain du vide
Et du jaune
Et du vert
Qui de par les frontières
Ne trouve plus leurs couleurs
Et nos mains
Et nos bras
Et nos doigts
Et nos pas
Ne sont plus que des appâts
Qu'on délaisse aux moineaux.

Souvenirs


Photographie de Robert Frank





Se souvenir d'un temps
Où les oiseaux chantaient
Où les âmes s'abreuvaient
De fortune et de songes.
Se souvenir d'un temps
Où les enfants heureux
Apprenaient l'écriture
Apprenaient la lecture
Jouaient avec le blé
Avec le chant des jours.
Se souvenir d'un temps
Où les belles limpides
Dansaient au creux des reins
L'amour de l'horizon.
Maintenant plus d'avant
Plus de terre
Plus de froid
Plus rien que le présent.

mercredi 11 décembre 2013

Ici, quelque chose




Il y a le cri fracassant du monde
Il y a les nuées d'oiseaux noirs
Il y a la Terre, entière et seule
Et il y a moi.
La seule surface mouvante encore tangible constituée de chairs.
Il y a l'herbe sur le sol humide de vie
Il y a le jour plein d'espoir
Et il y a toi
Le seul tas d'os encore sur pieds qui prie le monde de ses mains transparentes.
Il y a la poussière qui éparpille les gouttes de larmes
Il y a le sable qui souffle l'air chaud du vent
Il y a les nids de brindilles sèches
Il y a la lueur du ciel sur la peau des enfants nus
Et il y a cette femme transpirant de rides encore neuves
Surveillant les enfants du ciel
Qui vivent à perdre leur âme.

Aux pieds, un monde qui prie.

dimanche 8 décembre 2013

Dire


Insipide
Le cri
S'évade.
Dissonance dans l'égarement vagir
Lui.
La bouche molle
Cri.
Les lèvres charnues s'étirent
s'entrouvrent
forment
un tout
une lune
des étoiles dans le noir
l'aigu dans l'air
Le vide s'élançant à la surface du rien
Et puis le dire, exactement dans l'orifice de l'autre.

Surprise de l'air dans l'exhibition des songes.

C'est ainsi.

vendredi 6 décembre 2013

Les bruits sur le monde

Peinture de Famous when dead


Il faut reposer la mâchoire ne pas laisser tomber les mains les enfouir dans les poches si elles sont trop grandes si elles prennent trop de place dans la vie pour pouvoir te mouvoir tes jambes à l'avant et le derrière à l'arrière qui lui reste vigilant sur toutes traces de danger le dos en guise de compagnon mais pas les yeux les yeux non regardent devant ou bien ils fixent tes pieds parce que oui parfois tes yeux ne savent pas regarder pas regarder l'avant alors tes mains restent dans les poches et tu ne regardes pas non et ta mère qui te fait remarquer oui que ne pas regarder lorsque l'on vit n'est pas convenable il faudrait relever la tête pour ainsi contempler le monde le devant droit oui bien droit l'horizon à tes pieds et tes pieds sur le sol qui marchent seul sans tes yeux qui les surveillent de près alors ils sont libres oui et peuvent vagabonder à leur guise comme avec ton regard qu'est partit droit devant comme un soldat qui marche et qui n'a peur de rien car c'est un soldat et c'est comme ça tu penses il ne faut avoir peur de rien jamais c'est comme ça que fonctionne la vie alors écoute et marche marche marche et ne t'arrête pas qu'elle dit la mère alors ça fait sourire mais ça dure pas longtemps parce que quoi tu sais pas.

dimanche 1 décembre 2013

Rien si l'on veut, ou du moins pas grand chose


Simplement
S'il y a le cri coupable de ne plus savoir comment faire
C'est avec
Elle
Que la femme boit
Avec elle, oui, que l'on déjette ses tripes pour les abandonner
Sur le carrelage
Ou bien l'on ne sait où
Ailleurs
Le son aigu du monde vibre
Comme le goût de l'ignorance
Simple
S'en va
Ainsi va-t-elle vivre autre part.

vendredi 29 novembre 2013

Eux deux


Gena Rowlands et John Cassavettes


Plus d'une fois, le corps avait quitté la tête de l'homme
Avait permis aux rêves d'effectuer leur cadence
L'homme mâchant les carottes molles
Et la bouche s'ouvrant au rictus
Les dents blanches qui s'exhibent au monde
Le sourire en grand
Juste en face des yeux noirs
La femme.
Elle
Qui contemple
Ce qu'on peut voir de l'homme
Son extérieur
Et toute son air au dessus des laines
Recouvrant un corps rempli de chairs
Exactement en face de la vie
Assis sur le monde.

mercredi 27 novembre 2013

La décennie des lumières


Photographie de Nastia Kaletkina


Comme la décennie des éclairs,
Tous les volcans s’effriteront en même temps,
Exactement comme la matière
Lorsqu'elle s'écoule dans le corps de l'homme.
Les particules prendront leur fin dans la vision du monde
Et tout reprendra son ordre
Harmonieux, comme aux temps des siècles premiers
Où l'espèce humaine marchait encore sur ses deux pieds
Leur visage s'élançant sur le devant d'eux même,
Le dos maintenant une droiture 
Telle que la colonne vertébrale ne puisse s’affaisser
Et mourir.
Le monde est tout un Art.
Les hommes avancent à l'aide de leurs griffes implantées au sol
Et les microbes dorment en rêvant d'une terre à conquérir.
Plus rien que du vide,
Si bien que l'air n'a plus d'autre choix que d'immigrer vers des contrées lointaines.
Le Sud n'existe plus
Alors il reste le Nord
Froid et glacial.
Là où les hommes n'ont rien trouvés d'autre que de s'enfuir vers les nuages.
Là-haut, l'air n'est plus.
Mais il y a la lune et ses rangées d'étoiles.

mardi 29 octobre 2013

La docile marche du monde


Photographie de Virginie Zilbermann

La peau est froide. L'homme
tangue.
Il ne va pas tarder à éloigner sa main
de son corps pâle, car
son visage est glacial comme un flocon de neige
ses chairs grelottent de part ses pulls enfilés les uns sur les autres
et, c'est comme s'il avait oublié
de s'amincir
afin 
de parfaire à ceux qui peuplent son monde.
Sa mère lui avait dit :
Il ne faut pas superposer les pulls-over.
Tu vas finir par attraper 
froid 
au lieu du contraire.
Tes chairs contre ces monceaux de laine. Ce n'est pas
respectable.
Lorsqu'il était petit,
sa mère lui avait dit. Sa mère ne dit 
plus.
Rien.
Morte. A présent. Dans sa tombe.
Enterrée, 
parmi les vers et les cafards
Rongée des asticots et des petites bêtes.
Transformée en terre,
décomposée
afin d'aller rejoindre 
les salades 
et
les tomates,
commençant leur vie 
dans le terreau frais des jours.
Un bout de maman dans la terre.
Un bout de terre 
dans le vert.
Maman 
qui erre dans mon estomac 
grand comme l'univers.
J'ai faim. 
Il faut que je mange.
La carotte 
croque contre
ses dents.
Sa mère n'est plus.
Aucune parole alors
suspendue dans l'air.
Il ne faut pas superposer les pulls-over.
Les mots sont morts.
Les mots 
sont morts
dans la tombe
et il n'a 
rien 
pour lui dicter sa vie.
Seulement le reste.
Les pensées et les convictions
qui permettent d'avancer ses pas 
sur le sol mouillé d'antiquité.
A force de trop de vie, 
plus rien d'original.
Les copies, de nombreuses fois.
Salies par les
savons
passés et repassés sur l’éphémère
d'êtres semblables à lui.
Car c'est inévitable.
Une vie, 
c'est comme partout :
ça commence par les pleurs
et puis après on meurt.

jeudi 24 octobre 2013

Puisqu'il

As usual Art Print
Photographie de Daniel Vasilescu


 Les choses étranges
Transpercent les rêves comme s'ils n'avaient pas fini d'évoluer
De prendre leur allure dans les têtes emmitouflées de leurs cheveux passés par le temps
Il suffit de prendre appuie sur la vie
Afin de ne pas laisser les illusions s'évaporer
Alors ensuite
Ne pas briser les larmes sur le plancher des morts
Laisser couler l'humide sur nos joues rondes
Absorber les songes 
Et écrire ensuite
Afin de vider le surplus de graisse
Les abcès 
Et le dedans trop profond.


Entière, l'ombre demeure.

dimanche 22 septembre 2013

Les mots de Joyce Carol Oates


Le silence des agneaux de Jonathan Demme

"Elle avait dû lutter contre le sommeil, dans une robe du soir sans bretelles cousue sur son corps superbe, au corsage si serré qu'elle pouvait à peine respirer; le cerveau privé d'oxygène, et les yeux vitreux derrière le masque de céramique de Marilyn sculpté par son maquilleur Whitney sur sa peau cireuse maladive et son âme meurtrie."
Joyce Carol Oates, Blonde